À l’occasion de son 50ème anniversaire, l’Organisation Internationale de la Francophonie(OIF) invite les jeunes de 15 à 35 ans à construire ensemble l’avenir de Francophonie. Le 13 mai dernier, il y a eu dans ce sens le lancement de la grande consultation des jeunes francophones, “ta voix compte”, #Francophoniedelavenir, pour connaître et recueillir leurs visions de la Francophonie et leurs souhaits de ce qu’elle devrait être à l’avenir. https://mediaculture.info/50-ans-de-loif-et-xviiie-sommet-lancement-de-la-grande-consultation-des-jeunes-la-francophonie-de-lavenir/
« C’est la Secrétaire Générale de l’OIF, Mme Louise Mushikiwabo qui a souhaité, à l’occasion de notre 50e anniversaire, faire entendre leurs voix et leurs donner la parole », souligne Julie Tilman, Coordonnatrice du cinquantenaire de la Francophonie. L’initiative se justifie bien car la jeunesse représente environ 60% de la population des États et gouvernements de l’OIF. Déjà à la date du 28 juin on enregistre 5605 contributeurs qui ont publié 44660 contributions. Il ressort à mi chemin ces constats : les principaux messages des jeunes voient la langue comme principal socle de la Francophonie ; un très fort besoin de partage entre les jeunes francophones : réseautage, interconnexion, mobilité, bourses ; une forte revendication de diversité culturelle ou l’idée d’un lien fort entre francophonie et innovation, partage de solutions et de projets ; la Francophonie et le lien avec de grandes causes : démocratie, écologie, citoyenneté, éducation, droits de l’homme, des perceptions ou ressentis négatifs de la Francophonie en lien avec l’histoire de la colonisation ; une grande maturité et une conscience politique forte ; l’importance de l’innovation, des technologies et de l’entrepreneuriat ; une confiance dans l’avenir et une inventivité des jeunes…
Dans le même élan, MediaCulture.info a interrogé des jeunes francophones. Nous ouvrons les publications sur leurs interventions avec Abdoul Aziz Kountché, nigérien passionné d’aéronautique et d’aéromodélisme, qui parle de l’importance de la consultation “ta voix compte” et appelle les jeunes à y participer.
Abdoul Aziz Kountché, nigérien, 37 ans, constructeur de drones, pilote ULM : « L’OIF donne aux jeunes l’opportunité de s’exprimer et de faire prendre en compte leurs voix »
Abdoul Aziz Kountché, figure dans la série de portraits intitulée “jeunes francophones qui font la #Francophoniedelavenir“, initiée à travers le monde par l’OIF à l’occasion de ses 50 ans. Âgé de 37 ans, il est le Directeur Général de « Drone Africa Service », une entreprise spécialisée dans le made in Africa, en fabriquant des drones utilisés dans le cadre des transports, de l’agriculture, de la surveillance, de la cartographie. Ambitionnant de contribuer au progrès de la société à travers les nouvelles technologies, la francophonie offre pour lui beaucoup de perspectives d’interactions avec d’autres pays. « C’est un patrimoine non négligeable, surtout pour nous jeunes entrepreneurs », dit-il, encourageant ainsi les jeunes nigériens de 15 à 35 ans à participer à la campagne “ta voix compte”. « L’OIF donne aux jeunes l’opportunité de s’exprimer et de faire prendre en compte leurs voix ; l’apport de cette consultation est selon moi considérable, et avec le numérique cela donne la chance aux jeunes d’élargir leur réseautage dans la zone francophone », estime Abdoul Aziz Kountché. « Partant de mon expérience acquise au fil du temps, j’encourage les jeunes à s’investir pour faire entendre leurs voix, de partager leurs expériences mutuelles. La zone francophone est un formidable terrain de jeux et d’interactions qui permet de faire des affaires. Des opportunités s’offrent à travers cette consultation ; il reste à les saisir en tant que jeunes francophones », lance le Directeur Général de « Drone Africa Service ».
Mousoul mediaculture.info@gmail.com
“Ta voix compte” : des jeunes francophones du Tchad, du Niger, du Mali, du Burkina Faso, donnent leurs avis sur la Francophonie, ce qu’elle représente pour eux; leurs préoccupations et attentes; les idées qu’ils souhaitent partager avec d’autres jeunes.
Amina Weira, réalisatrice nigérienne, 32 ans : « Pour moi, la francophonie de l’avenir sera une union de nos pays en valorisant nos ressources naturelles et culturelles »
« La francophonie pour moi est un événement culturel composé de plusieurs pays avec un mode de vie différent, mais lié par la même langue qui est le français. Quand j’entends francophonie, les trois mots qui me viennent en tête sont : langue, brassage, union.
Cependant malgré une langue commune, je crains qu’un jour que les pays de la francophonie soient gangrenés par des pratiques malsaines comme la corruption, les abus sexuels… qui risqueraient de freiner le développement dans cet espace.
Je demande aux jeunes plus d’unité et de créativité pour faire avancer les pays francophones à l’instar de certain pays anglophones, en organisant par exemple des concours pour révéler les talents cachés.
Les jeunes doivent s’investir dans tous les domaines sans en négliger aucun, que ça soit dans le domaine énergétique, agricole, culturel… Tous les domaines sont importants et contribuent au développement si on y met de la créativité, des idées, du cœur et de la motivation.
Pour moi, la francophonie de l’avenir sera une union des projets, des talents et des jeunes; une union de nos pays en valorisant nos ressources naturelles et culturelles.
En tant que cinéaste, j’utilise la caméra, l’image pour refléter ce qui se passe dans ma société et le partager avec les autres. Je pense ainsi à des personnes comme Fatou Diome qui est pour moi un modèle pour la jeunesse francophone africaine.
Mon projet est de toujours utiliser l’image pour transmettre un message, raconter un récit. Et comme le cinéma sait s’adapter à tout, que ça soit dans le domaine de la science, de la santé, de l’éducation, de l’environnement…il me permet d’avoir une certaine variété d’approches vis-à-vis des autres avec une touche d’expression artistique. »
Aaron PADACKE ZEGOUBE, réalisateur Tchadien, 35 ans : « Je vois la francophonie comme un potentiel, une opportunité vers un avenir prometteur »
« La francophonie, c’est pour moi un lien, la richesse des cultures et civilisations, des solutions pour le développement au sens large, mais dans la liberté, l’équité pour un monde prospère, durable. Quand on parle de la francophonie les trois mots qui me viennent en tête sont : lien, langue, culture.
La francophonie a un grand défi; cette langue que nous avons en commun, nous devons en faire notre patrimoine, nous devons en être fiers et ainsi la promouvoir. Il faut faire prospérer la jeunesse francophone, à travers entre autres la création de structures d’éducation, de développement socioculturel, économique et politique, gage de sociétés stables, durables…
Je pense qu’il faut que la francophonie élargisse son plan d’actions, beaucoup des jeunes dans certaines régions par exemple en Afrique dans toute la bande du Sahel n’ont pas accès à l’école, ils sont déconnectés du reste du monde, ce qui laisse un champ ouvert à tout…Je vois la francophonie de l’avenir comme un potentiel, une opportunité vers un avenir prometteur. »
Tenin SAMAKE, Bloggeuse malienne, 24 ans : « Mon souhait est que les jeunes puissent avoir accès aux opportunités pour donner vie à leurs projets…
« Pour moi, s’agissant de la francophonie, les jeunes issus de cet espace doivent avoir des opportunités qui pourraient leur permettre de développer leurs pays et les rendre moins dépendants de l’ex pays colonisateur, la France. Les 3 mots qui me viennent en tête quand j’entends francophonie: Espace, fermé, limité.
En ce qui me concerne, j’ai un projet de média dans mon pays, le nom du média est Womanager, www.womanager.org ; je travaille là-dessus. Il s’agit d’une plateforme pour l’émancipation et l’épanouissement des femmes maliennes. Nous faisons de la production de contenus web, pour changer les mentalités sur la place de la femme et promouvoir les initiatives féminines.
Mes préoccupations en tant que jeune francophone est qu’il n’existe pas beaucoup d’opportunités pour la jeunesse francophone. Aussi, les opportunités qui existent sont assez difficiles d’accès pour cette jeunesse. Mon souhait est que les jeunes puissent avoir accès aux opportunités pour donner vie à leurs projets. Que les jeunes ne se sentent plus limités dans cet espace.
En imaginant la Francophonie de l’avenir j’ai envie de partager cette image:»
Ousmane Mamoudou, Web journaliste nigérien, 31 ans : « …l’histoire de l’Afrique francophone est extrêmement liée à l’histoire de la colonisation Française…»
« Ma vision de la francophonie est que l’histoire de l’Afrique francophone est extrêmement liée à l’histoire de la colonisation Française ; donc les trois mots qui me viennent à l’esprit quand on dit francophonie sont liés à cette histoire et ce sont : France, colonisation, exploitation. Mais il n’y a pas que de mauvaises choses, car la francophonie a été et elle est toujours un outil, une langue qui revêt un caractère universel, en termes de communication, d’échanges,… Vous avez une multitude de langue en Afrique, dans mon pays le Niger par exemple, le Français va rester une langue qui unit les peuples, les ethnies qui parlent diverses langues. C’est une langue qu’on va privilégier pour communiquer. Mais la francophonie, reste quand même un mot qu’on aime entendre et souvent qu’on n’aime pas entendre, pour toutes les choses qui se passent ; le récent débat chez la jeunesse autour du franc CFA en est une illustration palpable, ainsi que toutes les polémiques qu’il y a aujourd’hui sur les forces armées occidentales, francophones notamment dans le Sahel…
Ma principale attente vis-à-vis de la francophonie de l’avenir, des francophones, c’est le partage. Que cette notion soit au cœur de la francophonie ; le partage entre les peuples francophones, que les migrants soient acceptés, car il y a un vrai problème pour les migrants qui partent en Europe. Ils ne le font pas toujours pour le plaisir de partir, c’est parce qu’ils sont souvent menacés et pour le cas de l’Afrique francophone leurs destinations sont surtout la France, la Belgique où ils vivent la désillusion concernant le respect de leurs droits en tant qu’êtres humains. Je souhaite donc que la francophonie soit un monde de partage, d’amour, de connaissance, qu’elle soit un socle qui va nous unir.
Pour la vision de la francophonie de l’avenir, moi en tant que passionné des TIC, quand je regarde comment la langue évolue, je constate qu’elle se transforme beaucoup. C’est une langue qui va rester assez dynamique. Le français côtoie une multitude de langues africaines qui l’ont influencé. Ma vision est qu’aujourd’hui on est dans un monde où les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place, avec une ouverture plus large, ce qui va élargir le champ lexical de la langue française. Je pense qu’internet va influencer globalement le français sur le continent africain. Internet va mettre en contact les peuples africains avec d’autres peuples et cultures ce qui va être une richesse ; peut être que le français va se diluer, peut être que la francophonie va s’élargir…Aussi, j’espère que la francophonie va avancer principalement sur la résolution des conflits armés, l’insécurité alimentaire. Je ne sais pas si c’est vérifié, mais nous avons l’impression que les pays anglophones s’en sortent mieux que les pays francophones. C’est peut être un cliché, mais on le pense et les jeunes préfèrent aller étudier de plus en plus dans les pays anglophones. Il faut que la francophonie arrive à trouver des solutions aux problèmes qui touchent la jeunesse francophone. C’est ma vision de la francophonie dans l’avenir ; il faut qu’elle soit un monde de stabilité, d’union et de partage ».
Nadine Dionou, artiste comédienne danseuse performeuse du Burkina Faso, 29 ans : « malgré qu’il y ait beaucoup de personnes qui parlent la langue française, il n’y a pas une véritable promotion des langues africaines »
« Dès que j’entends le mot francophonie je pense à toutes les personnes qui parlent le français, qui ont en commun la langue française. A travers la francophonie je vois : échange, communication, diversité. Ma préoccupation est que malgré qu’il y ait beaucoup de personnes qui parlent la langue française, il n’y a pas une véritable promotion des langues africaines, qui sont entrain d’être délaissées au profit du français. Quand nous sortons de nos pays nous sommes obligés de parler le français pour nous faire comprendre ; pourquoi les européens ne parleraient pas nos langues si vraiment on veut unir les communautés. J’aimerais qu’on ne me demande pas si je parle “AFRICAIN” quand j’arrive dans un pays francophone européen, comme si africain était une langue.
Je donne des cours de théâtre à des élèves du primaire. Et grâce à ça ils arrivent à communiquer, s’éduquer et à faire passer des messages. Par exemple ici, les jeunes ont compris qu’ils peuvent utiliser leurs propres créativités pour faire avancer le pays. Nous voyons de plus en plus de jeunes qui font des métiers passions, c’est-à-dire qu’après les études ils choisissent d’évoluer dans d’autres domaines ; alors nous ne devons pas attendre que tout vienne d’ailleurs …
J’ai un récit que je voudrais partager : j’étais en Allemagne pour un échange scolaire et je ne comprenais pas bien l’anglais et pas du tout l’allemand, mais il fallait que je me fasse comprendre, alors j’utilisais mon corps pour m’exprimer. Il m’est venue l’idée de faire une performance, mais uniquement en Dioula (langue bamana). J’avais peur que personne ne comprenne ce que j’ai voulu dire. À la fin de ma performance, ce qu’on m’a dit, m’a laissée bouche bée ! Le message est passé tout le monde a compris que je parlais de la difficulté de communication dans un pays dont je ne comprends ni la langue, ni la culture,… »
Alher Wariou Fatiman, nigérienne spécialisée dans la cartographie numérique, 30 ans : « je rêve d’une francophonie construite et révolutionnée par les femmes et la jeunesse Africaines.»
« Pour moi la francophonie est un espace de solidarité, fraternité et de coopération. En tant que jeune Africaine francophone mes attentes et préoccupations sont celles d’un monde dans lequel la mondialisation bénéficie à tous et en particulier à la jeunesse ; un monde respectueux de la diversité culturelle et linguistique et favorable à un développement durable ; un monde dans lequel les valeurs universelles de paix, de démocratie, de droits de l’Homme contribuent à une action multilatérale au sein d’une communauté solidaire.
Les idées que j’aimerai partager avec d’autres jeunes sont celles d’un monde uni, solidaire et transparent fondé sur des valeurs ; un monde d’innovation, de créativité… Je voudrais partager ma passion pour les données libres, la cartographie numérique et les Nouvelles technologies. Mon constat est clair : le numérique offre un fort potentiel d’emploi et pourtant il souffre toujours de la faible représentation des jeunes et surtout des femmes. Pour répondre aux défis de nos sociétés, nous devons redoubler d’efforts, unir nos forces, et chacun doit s’investir dans son domaine d’expertise. Dans un monde devenu de plus en plus réduit en un « village planétaire », on ne peut pas se passer des TIC sans se marginaliser. Elles évoluent à une vitesse spectaculaire et il faut s’y adapter et saisir les opportunités. Je continuerai de donner un peu de temps pour former bénévolement les jeunes, les femmes.
J’imagine la francophonie de l’avenir, comme un espace où les femmes et les jeunes joueront un rôle important dans l’évolution de leurs sociétés. J’imagine une francophonie où les femmes et les jeunes sont une priorité pour l’ensemble des actions à entreprendre. Les femmes et les jeunes sont des acteurs du changement, des acteurs de paix et de développement. La francophonie de l’avenir renforcera l’union de la jeunesse, et les jeunes prendront conscience que chaque problème est une idée de projet comme le dit Florent Youzan. Je rêve d’une francophonie construite et révolutionnée par les femmes et la jeunesse Africaines. »
Propos recueillis par Mousoul mediaculture.info@gmail.com