“La passion conduit bien plus loin qu’on ne pense !” Ce proverbe pourrait résumer dans un certain sens l’itinéraire de Fatouma Aïya Attahirou Akiné, dont le rêve d’adolescente était de faire des études de médecine. Mais, la prise de conscience de son talent lui a fait opérer un virage vers l’art. Et, déjà à 25 ans, Fatouma Akiné pour le public, Aïya pour les intimes, s’affirme dans ce domaine pour lequel elle se passionnait depuis sa tendre enfance.
L’artiste Fatouma Akiné
« Je dessinais déjà beaucoup dès le très jeune âge ; j’aimais bricoler, car j’étais très introvertie. J’ai fait ma première exposition individuelle au lycée, c’est ainsi que mes professeurs m’ont suggéré de m’inscrire dans une université pour une formation en art », rappelle la jeune artiste nigérienne. Une partie de son cursus scolaire s’est effectué au gré des séjours professionnels de sa maman entre Niamey, Tripoli et Bamako où elle s’est inscrite en 2012 au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédias Balla Fasseké Kouyaté (CAMM/BFK). Trois ans plus tard elle décroche une licence en art plastique. La seule femme de sa promotion en section art plastique, rappelle-t-elle avec fierté. De retour à Niamey en 2016, Aïya s’inscrit à l’Institut de Formation aux Techniques de l’Information et de la Communication (IFTIC) où elle obtint aussi une licence en journalisme, presse écrite. «J’ai laissé ma première vocation qui était la médecine pour me lancer dans l’aventure artistique qui me passionne le plus », explique Fatouma Akiné.
Et l’aventure continue de plus belle, pour la jeune artiste plasticienne nigérienne qui laisse libre cours à son esprit de créativité. Comme elle le dit, sa création se veut libre, sans style particulier. Fatouma Akiné crée en fonction de ce qu’elle veut exprimer et comme elle l’entend. Ses médium sont surtout les installations, la performance et les peintures. Ce qui explique ainsi le choix des matières qu’elle utilise dans ses créations : du charbon, du henné, de la peinture synthétique, de la teinture, le crayon, le fer, le plâtre, l’argile, la laine, les tissus, les papiers récupérés…« Tout peut m’inspirer; vraiment tout. Je ne m’impose aucune limite dans mes créations. Je produits pour partager mon opinion sur divers sujets. Ce qui me marque dans ce métier c’est le fait de pouvoir toucher, choquer les autres, les faire sauter, voyager, rêver et surtout parler à la place de beaucoup qui n’ont pas cette chance…», confie l’artiste.
Lors de l’exposition “Forêts claires-Forêts obscures”
À ce jour, Fatouma Akiné a réalisé individuellement ou collectivement dans la sous région et au-delà, une trentaine d’expositions, workshop. Elle participe aussi à des projets cinématographiques comme le long métrage “Wulu”(2015) de Daouda Coulibaly pour lequel elle était assistante costumière.
Ressusciter la tradition
En janvier dernier il y a eu au CCFN Jean Rouch de Niamey le vernissage de l’exposition “Forêts claires-Forêts obscures” de Fatouma Akiné. Le thème de cette œuvre est inspiré de “Dahij” le livre de l’écrivain sénégalais Felwine Sarr. L’exposition est composée d’un ensemble de toiles, collages, éléments liés aux croyances et trois installations à base d’objets traditionnels et symboliques de la culture nigérienne, ainsi que des matériaux de récupération. Le tout était accompagné lors de ce vernissage d’un spectacle de danse-transe, d’un texte de slam. Une mise en scène qui plonge dans un espace mi sombre, mi éclairé aux lueurs de bougies et de lampes à pétrole, avec des objets qui renvoient aux rituels animistes. « J’ai décidé d’aborder ce thème, parce que j’ai remarqué que cette tradition est devenue comme un tabou ; et si on n’en parle pas, cette riche tradition disparaitra. Voilà pourquoi j’ai décidé de briser le silence et ressusciter cette belle tradition, cette magnifique culture, cette croyance qui à tout son sens et sa place dans nos sociétés traditionnelles. C’est une manière de dire à ceux qui y croient et qui ont peur d’en parler de se libérer», explique l’artiste.
Défendre la justice et la liberté à travers l’art ? C’est aussi une des causes que s’attribue Fatouma Akiné. « Je trouve qu’il y a des choses qui disparaissent et on ne s’en rend pas compte vraiment ; quand on ôte à un individu ou un peuple sa liberté, dans la pensée ou dans l’action alors, on peut le mener comme on veut », estime l’artiste.
Scène de l’exposition “Forêts claires-Forêts obscures “
Actuellement Fatouma Akiné travaille sur de nouvelles séries en peintures. Des œuvres sur la thématique de « chez soi », de la spiritualité, et de l’esclavage mental. « Je compte les exposer une fois prête ; une exposition de manière virtuelle et physique », annonce-t-elle.
Mousoul mediaculture.info@gmail.com