Nouvelliste, dramaturge, cinéaste nigérien, Idi Nouhou est auteur entre autres des pièces de théâtre Mamrouqa, Badadroum ou les mésaventures de Sakarai, Tête de Mouton, Kadijata Keïta, La Légende de Matin Luther King, Ruwan zuma, etc. Titulaire d’une Maîtrise-Es-Lettres et d’un Master 2 en cinéma documentaire de création, il a participé à plusieurs projets de formation et/ou production de fictions radiophoniques et télévisées, écrit des spectacles de grands événements et réalisé des films dont Chronique dessinée pour le petit peuple. Avec son projet de fiction long métrage, Alhassane, le maître de Kharmou, Idi Nouhou a remporté le Grand Prix Idrissa Ouédraogo, à Ouaga Film Lab, édition 2018. En 2019, il a publié son premier roman intitulé Le Roi des Cons, aux éditions Gallimard et co-publié la même année le recueil de poèmes, « Niamey », aux éditions Les Mille Univers. Dans cet entretien il parle de ses projets, les thèmes de ses œuvres, et du cinéma au Niger.
MediaCulture.info : Vous êtes en résidence au Centre culturel franco nigérien Jean Rouch de Niamey; le contexte de confinement dû à la pandémie du Coronavirus entrave-t-il votre calendrier ?
Idi Nouhou : Un écrivain vit déjà en confinement par la nature de son travail. Donc, cet isolement ne peut qu’être bénéfique dans mon travail. La situation actuelle ne me dérange pas du tout. Au contraire. Ce que ça change, c’est le lieu de la résidence. De fait, je ne suis plus au Centre culturel Jean Rouch, mais à la maison, pour travailler.
MediaCulture.info : Quand est-ce que vous espérez la parution de votre prochain roman ?
Idi Nouhou : Une publication dépend de beaucoup de choses. Ce n’est pas parce qu’un manuscrit est fini qu’il est prêt à être édité. Non. Il faut le soumettre à la critique des bonnes volontés. Il faut qu’il plaise aussi à l’éditeur. Sinon, trouver un autre éditeur. C’est un vrai parcours de combattant. Un long processus. Tiens ! “Le roi des Cons” par exemple, entre la réception du manuscrit par l’éditeur et sa parution, cela a pris une année pratiquement. Et c’est en comptant avec le coup de cœur de l’éditeur pour ce roman.
MediaCulture.info : Pourquoi le choix pour le titre de votre prochain roman de «Mariée divorcée », qui évoque une situation habituelle, voire banale ?
Idi Nouhou : Il n’y a pas de thématique originale à proprement parler. Tous les thèmes ont déjà été traités depuis le début des temps : l’amour, la haine, l’envie, la mort, l’argent, la jalousie, le temps, la peur, etc. Mais par contre, chaque projet d’écriture est un prétexte pour évoquer des sujets auxquels on tient. Sur lesquels on souhaite susciter des réflexions. Donc, l’important n’est pas que le thème soit rabâché. Non. Mais qu’il serve simplement de chemin pour conduire vers l’objectif visé, pour raconter une histoire. Pour entrer dans un univers imaginaire. Et dans mon roman en cours, je raconte l’histoire d’un mariage avorté. Un divorce qui intervient le lendemain de la nuit de noce. Et c’est un récit au féminin, puisque le personnage qui raconte l’histoire est une femme… Celle qui a été répudiée de cette horrible manière justement…
MediaCulture.info : Qu’est-ce qui vous inspire pour les thèmes de vos différents écrits ? Sont-ils des choix “arbitraires” ou bien basés sur des expériences vécues ?
Idi Nouhou : Le choix d’un sujet est toujours arbitraire. Il découle d’une envie. On veut traiter ce sujet-là à ce moment-là et pas un autre. Parce qu’on tient une anecdote. Ou parce qu’on ressent le besoin de dire quelque chose sur un événement. Ou encore parce qu’on souhaite explorer une forme de récit. Ou bien, c’est juste une rencontre qui nous inspire. Parfois, c’est un rien qui inspire l’individu… Le vent frais, le doux soleil… Ou même le torride… Un nuage qui passe… Le sourire d’un ou d’une inconnue… Ou des événements plus graves : la mort d’un frère… D’un ami… Etc.
MediaCulture.info : En est-il de même pour “le Roi des Cons” ?
Idi Nouhou : Ce texte a une histoire singulière. J’ai un très grand ami écrivain français : Jacques Jouet. Je crois qu’il a une très grande confiance en mon talent. En fin 2017 début 2018, il m’annonça leur arrivée au Niger, avec sa compagne Mme Cécile Riou. Ils projetaient qu’on travaille ensemble sur un projet poétique. Il en est résulté un recueil de poèmes intitulé “Niamey”, édité par les éditions Les Mille Univers. Mais c’était plus tard. Donc, en l’honneur de leur arrivée, j’ai voulu écrire quelque chose. J’ai repris un paragraphe griffonné je ne sais plus quand, ni pour quelle histoire. Et je m’étais attelé. Je voulais en même temps me prouver à moi-même que je pouvais terminer quelque chose enfin. J’avais, et j’ai toujours, tant de manuscrits inachevés. J’ai continué ce récit-là. Et plus j’avançais, plus j’avais envie d’aller plus loin. J’ai à peine parlé de mon projet à mes amis pendant leur séjour finalement. J’ai poursuivi après leur départ. Dans cette œuvre-là, je voulais raconter l’histoire d’un homme victime d’un mariage forcé. On a tendance à croire que ça n’existe pas. Et pourtant, c’est plus fréquent qu’on ne pense. Ce n’est pas une œuvre autobiographique, comme des lecteurs tendent à le croire. Non. C’est juste une œuvre de fiction, certes beaucoup nourrie par des anecdotes glanées à gauche et à droite. Par quelques expériences personnelles également…
MediaCulture.info : En tant que cinéaste pensez-vous que le développement du cinéma nigérien soit lié à sa qualité même ou à la question des moyens ?
Idi Nouhou : Peut-on dissocier les deux questions ? C’est une évidence que le cinéma ne peut pas aller de l’avant sans les moyens. Et ce sont ces moyens-là qui appellent la qualité. Moyens techniques… Moyens financiers. Tout est lié. Il ne faut pas se leurrer. Pour faire de bons films capables de rivaliser avec ceux des autres nations, il n’y a aucun autre choix possible. On doit juste ajouter la nécessité d’assurer des formations aux techniciens et aux acteurs, si l’on tient à ce que ces postes soient occupés par des Nigériens. Mais dans tous les cas, le besoin de faire appel aux compétences externes, techniques et artistiques, se fera toujours sentir d’une manière ou d’une autre. C’est cela le cinéma aussi. Ne serait-ce qu’à cause de la façon de jouer de tel acteur qui vit au bout du monde ; ou de la manière de filmer de tel cadreur qui est aux antipodes d’ici. Et ces gens-là, il faut les loger ! Il faut les payer ! Et c’est des coûts importants ! C’est le prix de la lumière qu’ils apportent au film. Leur nom et leur compétence. Mêmes les techniciens et acteurs locaux ont besoin d’être bien payés pour qu’ils restent professionnels. Pour qu’ils croient en leur talent. Ou alors, ils vont changer de métier, devenir tailleur, maçon, contractuel de l’enseignement, etc. Et demain, quand vous aurez besoin d’eux, ils ne sont plus là…