“Afrique 50”  de René Vautier: Un réquisitoire à charge contre la domination coloniale  

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Réalisé en 1950 par René Vautier, un réalisateur et scénariste français, communiste et anticolonialiste, le film Afrique 50 qui est un documentaire de 17 minutes a valu 13 inculpations, une condamnation d’un an d’emprisonnement à l’auteur par l’Etat français. Dans un  commentaire poignant sur des images, René Vautier raconte à travers Afrique 50  les atrocités du système colonial en Afrique noire.  

 A l’entame du film,  le réalisateur plante le décor avec un village qui vivait en paix, où la joie des enfants se manifestait à travers les jeux d’équipe (football, natation, jeu de toupie, un jeu traditionnel, etc). On y perçoit une organisation sociale très ancrée, la solidarité et l’entraide, les savoirs faire locaux dans les métiers comme le tissage, la coiffure, la pêche,  l’élevage, la construction, la fabrication de pirogue ; autant d’éléments remettant en question l’idéologie sur la mission civilisatrice de la colonisation en Afrique. On y voit également des femmes occupées par les tâches ménagères (cuisine, pilage et gestion du foyer) et les hommes dans les travaux leur permettant d’assurer la prise en charge de la famille. C’est une société où le travail et l’intérêt collectif ont de la valeur.

Dans un autre moment, un medley de scènes macabres, d’émotions, de tristesse et de révolte scotchent le spectateur. Le réalisateur Réné Vautier donne un bilan des crimes commis par les administrateurs coloniaux en ces termes : «  Regarde ce qui guette les villages africains. Ici se trouvait le village de Palaka dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Le chef du village n’a pu payer un reliquat des impôts 3700 F. Le 27 février 1949 à 5h du matin. Les troupes sont venues ; elles ont cerné le village ; elles ont tiré ; elles ont brulé ; elles ont tué. Ici, le chef du village Kalli Ouattara était enfumé et abattu d’une balle dans la nuque, une balle française. Ici une enfant de 7 mois était tuée, une balle française lui a fait sauter le crâne. Ici du sang sur le mûr, une femme enceinte est venue mourir, deux balles françaises dans le ventre. Sous cette terre d’Afrique 4 cadavres (3 hommes et 1 femmes) assassinés à notre nom à nous, gens de France. Tu t’étonnes, des cases brulées, les habitants massacrés, le bétail abattu pourrissant au soleil. Ce n’est pas l’image officielle de la colonisation. Amis, la colonisation ici comme partout c’est le règne des vautours.»

Dans le film René Vautier ironise sur le progrès introduit en Afrique par rapport aux milliards pillés par les sociétés françaises en exploitant des ouvriers noirs (enfants, femmes et hommes) avec des volumes horaires de travail journalier de plus de 15 heures.

Afrique 50 (1950) est le premier film français condamné au titre de film anticolonialiste. René Vautier jeune réalisateur à l’époque soulignait dans une interview à la télévision algérienne : « J’avais 21 ans à l’époque et avec toutes mes illusions, je sortais  de l’Institut des Hautes Études Cinématographiques de Paris. J’y étais entré quelques années auparavant en revenant du maquis où je m’étais battu contre l’occupant Allemand. La ligue de l’enseignement m’a proposé de tourner sur la vie réelle dans les villages d’Afrique noire dans les colonies  françaises de l’époque devenues le Mali, la Côte d’Ivoire  le Sénégal, le Soudan Français, la Haute Volta. A 21 ans, la possibilité de faire un beau voyage de tourner un film (…)  Je partais pour deux mois, c’était prévu par le contrat. J’en suis revenu un an après, avec treize inculpations, une condamnation à un an de prison».

Afrique 50 un film qui dénonce l’impérialisme sous toutes ses formes. Il décrit et dénonce une époque caractérisée par le pillage des ressources africaines,  un enseignement sélectif, l’appauvrissement des communautés locales, l’exploitation des hommes, des femmes et des enfants, les arrestations, les emprisonnements et des tueries. Afrique 50 est un film d’éveil de conscience à l’endroit de tous les peuples opprimés et qui luttent pour l’autodétermination effective.

                          Youssoufa HALIDOU HAROUNA

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