La 14ème édition de la rencontre internationale d’art contemporain de Bobo Dioulasso, dénommée Gnanamaya s’est tenue du 17 au 21 janvier 2022 dans la cité de Sya. Des artistes, des chercheurs et spécialistes d’arts venus de plusieurs pays ont pris part à cet événement. Dans cette double interview, deux acteurs du domaine des arts reviennent sur ce rendez-vous qui a eu pour thème cette année: «Création, partir, rester, voyager ». M. Issouf DIERO, artiste plasticien burkinabè fondateur et directeur de la rencontre internationale d’art contemporain Gnanamaya, évoque le concept de cette rencontre dont la tenue dans un contexte de crise sanitaire et sécuritaire illustre d’une certaine façon le caractère résilient de l’art et de la culture. Quant à l’artiste plasticienne et visuelle, spécialiste en théorie de l’art, critique d’art, et maître-assistante à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse-Tunis, Ikram BEN BRAHIM, parle de sa participation à la rencontre dont elle apprécie la portée.
“C’est une rencontre internationale d’art contemporain qui favorise l’esprit collectif et social dans la diversité culturelle”. Issouf DIERO
MediaCulture.info: Qu’est-ce-qui vous a inspiré pour la création du concept du festival Gnanamaya de Bobo-Dioulasso ?
Issouf DIERO: Le concept du festival Gnanamaya a été créé lors d’une rencontre artistique avec l’artiste Papa Kouyaté en parlant du projet intitulé « Africalia ». Ce projet consiste à organiser un évènement artistique qui regroupe des artistes de différentes nationalités, afin d’échanger plusieurs idées et créer des pratiques artistiques variées. De là, l’idée de l’échange et du partage ont participé à faire naître le concept de la rencontre Gnanamaya pour faire évoluer l’art et la culture dans la ville de Bobo-Dioulasso. C’est une rencontre internationale d’art contemporain qui favorise l’esprit collectif et social dans la diversité culturelle.
MediaCulture.info: Quelle est la particularité de la 14ème édition du festival Gnanamaya?
Issouf DIERO: La principale particularité de cette 14ème édition du festival Gnanamaya est l’ensemble des nouvelles visions proposées autour de l’art africain contemporain et les objectifs de la rencontre. À travers une conférence présentée à l’Institut Français de Bobo-Dioulasso, nous sommes arrivés à créer un espace de partage fondé sur un nouveau langage mettant en lumière l’esprit créatif et actif. De surcroît, l’exposition des différentes pratiques artistiques dans deux lieux divers (l’Institut français et la maison de la culture) mettent l’idée de la rencontre dans son contexte et sa contemporanéité. Ainsi, toutes ces nouvelles visions vont participer à créer un certain dynamisme dans le secteur culturel et artistique.
MediaCulture.info: Y a-t-il un motif de satisfaction pour l’édition 2022 du festival Gnanamaya qui s’est tenue cette année dans un contexte mondial marqué par la persistance de la pandémie de Covid19 avec pour le Sahel une crise sécuritaire toujours préoccupante ?
Issouf DIERO: Pour cette édition 2022, je suis vraiment satisfait de la vision générale autour de la rencontre Gnanamaya à travers la participation de chaque artiste invité. La présence du grand public lors des deux vernissages révèle à quel point les gens ont besoin de ce genre de rencontre suite aux périodes de confinement à cause de la pandémie de la Covid 19. Avec les deux crises sanitaire et sécuritaire, les artistes ont fait appel à la créativité et à l’innovation, afin de partager chaque moment avec les autres. Ils ont fait acte de résistance face à ces crises pour changer le regard que l’on porte sur le monde actuel et sur la vie qui se modifient en transformant tous ces moments de crise en une pratique artistique contemporaine.
“En tant que spécialiste en théorie de l’art, j’ai pensé avec la terre africaine à travers son air parfumé de paix et de liberté, sa couleur et sa lumière fleurie pleine de vie”. Ikram BEN BRAHIM
MediaCulture.info: Quelles appréciations portez-vous sur le festival Gnanamaya auquel vous avez participé pour la première fois ?
Ikram BEN BRAHIM: J’ai participé au festival Gnanamaya 2022 pour la première fois lors de sa 14ème édition et j’ai apprécié, en premier lieu, la dénomination du festival sous le titre « Rencontre internationale d’art contemporain ». Cette rencontre est particulière, spécifique dans la mesure où elle crée un certain échange et partage entre les artistes invités de plusieurs pays et le public de Bobo-Dioulasso. Cet échange a permis de valoriser la rencontre, en exposant différentes pratiques artistiques contemporaines dans des lieux divers. Des pratiques variées qui mettent en valeur et en lumière l’esprit africain à travers le recyclage et la récupération des différents matériaux. En second lieu, j’ai apprécié la thématique de cette rencontre « Voyager, Créer, Partir, Rester » à travers laquelle chaque artiste a voyagé dans son imaginaire, afin de créer ses œuvres dans un cadre spatio-temporel bien défini. D’où, la bonne organisation de la rencontre et la coordination avec l’organisateur-artiste Issouf Diero a participé pleinement à la création artistique qui a été basée sur une certaine réflexion théorique à travers la conférence organisée à l’Institut Français de Bobo-Dioulasso. Le festival Gnanamaya ouvre la voie à une nouvelle vie qui voit l’énergie et l’imagination créatrice.
MediaCulture.info: Avez-vous le sentiment d’avoir véritablement pris part à une rencontre du donner et du recevoir lors de la 14ème édition du festival Gnanamaya ?
Ikram BEN BRAHIM: Cette rencontre de Gnanamaya sert à la base de donner et de recevoir de l’énergie issue de l’esprit d’échange et de partage. Cette énergie est créatrice permettant d’aller au-delà de la réalité, afin de voyager dans les opacités du monde et créer quelque chose de nouveau. Sentir l’originalité et l’africanité, donner et recevoir de l’énergie, voir et apercevoir la richesse des œuvres exposées créent un certain cheminement menant vers la liberté créatrice. Cette libre expression est le fruit de la rencontre du donner et de recevoir préparant le terrain à un avenir autre, un autre avenir ouvrant la voie à l’innovation et à l’évolution de l’art contemporain africain.
MediaCulture.info: En tant qu’artiste plasticienne et visuelle, spécialiste en théorie de l’art, avez-vous trouvé des éléments inspirants dans les créations présentées au festival Gnanamaya ou dans l’interaction avec le public de Bobo-Dioulasso ?
Ikram BEN BRAHIM: Selon Frédéric Nietzsche, « Le penseur et le créateur sont un ». En tant que spécialiste en théorie de l’art, j’ai pensé avec la terre africaine à travers son air parfumé de paix et de liberté, sa couleur et sa lumière fleurie pleine de vie. Une vie partagée avec le public de Bobo-Dioulasso ouvrant la voie au voyage dans les regards et dans les imaginaires, afin de vivre une expérience sensible et particulière. Ainsi, un ensemble de notions théoriques sont abordées mettant en valeur le lien entre l’art et la vie à travers le voyage et la création artistique. Il s’agit, notamment d’une esthétique de vie qui est incluse dans la création. Plusieurs éléments inspirants dans les pratiques artistiques contemporaines exposées, issus de la variété des matériaux, des techniques et des médiums utilisés. Des éléments matériels et immatériels, naturels, visuels et chromatiques qui révèlent certaines manières de faire et de penser avec et dans la terre africaine. En tant qu’artiste plasticienne et visuelle, j’ai eu l’occasion de découvrir des nouveaux styles picturaux et d’expérimenter différents matériaux, afin d’inviter le public de Bobo-Dioulasso à voir et à percevoir sa réalité autrement.
Interview réalisée par Mousoul