En compétition officielle dans la catégorie documentaire long métrage à la 27ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), le film Zinder de Aicha Macky a été projeté le 18 octobre dans la salle de Ciné Neerwaya. Le documentaire de 81mn sorti en 2021 porte sur des thèmes de préoccupation et d’actualité, notamment la radicalisation d’une jeunesse qui s’exprime ici à travers la violence. Il y a en filigrane les conséquences du manque de l’éducation, du chômage, de la pauvreté, etc. Mais le film montre aussi l’effort de résilience de cette jeunesse du quartier Kara Kara de la ville de Zinder qui veut voir le bout du tunnel. Pour son avant-première bukinabè, le documentaire produit par Clara Vuillermoz ; Ousmane Samassekou & Éric Winker en coproduction avec Point du Jour-les films du Balibari ; Tabous production ; Corso films, Arte et Aljazeera, a drainé un important public.
C’est peut être déjà un motif de satisfaction pour la réalisatrice Aicha Macky et l’équipe du film Zinder ainsi que la délégation nigérienne au FESPACO, car une salve d’applaudissements du public très mobilisé a accompagné la fin de la projection du documentaire au Ciné Neerwaya. Signe que le public a été touché par le film et surtout les messages qu’il véhicule.
Dans Zinder, qui est son premier documentaire long métrage, la réalisatrice Aicha Macky a voulu cette fois-ci porter sa caméra sur un sujet un peu moins personnel, comme c’était le cas dans ses précédents films. Elle a voulu ici montrer la réalité de ces lieux de retrouvailles de jeunes, appelés « Palais », devenus des gangs tristement célèbres pour leurs violences. Choquée par le sombre tableau à travers lequel était présentée la jeunesse de la ville de Zinder à cause du phénomène des gangs du quartier Kara Kara, Aicha Macky a cherché à en savoir sur cette image en déphasage de ce qu’elle croyait savoir. Ainsi, Zinder, du nom de la ville qui l’a vu naître et grandir, est une immersion dans la vie des « Palais », ces groupes de jeunes qui se sont faits une mauvaise réputation pour leurs violences (agressions, viols, consommation de drogues…). Les gens en question sont issus de Kara Kara, un bidonville créé il y a une cinquantaine d’années à la périphérie de Zinder pour recaser des malades de la lèpre et qui est devenu au fil du temps un quartier à part entière de la ville.
La réalisatrice joue sur les contrastes dès le début du film : en annonce, un beau plan général où on aperçoit un enfant dont le regard suit un cerf-volant à partir des hauteurs d’une de ces collines qui surplombent les habitations de Zinder. Puis, brusquement sur un fond musical, une scène où un jeune baraqué surgit sur une moto pétaradante, brandissant un drapeau marqué de la croix gammée. Des séquences qui amènent à saisir le contraste entre la vie dont pourrait rêver chacun et la dure réalité que le film va montrer. Suivent ainsi l’ambiance et les décors des « Palais », avec des détours au quartier Toudoun Jamous, un coin connu surtout pour ses bars et ses maisons closes. Il y a des témoignages glaçants. Ceux de certaines victimes, des femmes ayant subi des violences avec ces images de cicatrices qui donnent la chair de poule. Les protagonistes du documentaire, ceux qui sont présentés comme des repentis des » Palais » témoignent également non sans remords. Siniya, Hitler ; Ramsès ; Bawo ; Tchikara ; Américain, sont entre autres les surnoms dont s’affublent ces jeunes appelés « Yan Palais » ou «les enfants des palais». Ils racontent leurs vies, confessent leurs forfaits.
Présentés ainsi comme des repentis, devenus conducteurs de taxi tricycle, pratiquant le trafic illégal et la vente de carburant, aux prix de tous les risques, étant derrière les barreaux, tous expriment leur volonté de rompre avec le cycle vicieux. Ils veulent se donner la main pour voir le bout du tunnel.
Une sonnette d’alarme
Pourquoi ces jeunes se sont ainsi singularisés (radicalisés) s’interroge la voix off au début du film. Pour Siniya un des principaux personnages du documentaire, le fait d’être né dans le quartier de Kara Kara y est pour quelque chose. Car, cela les a privés d’éducation. Certaines scènes du film soulèvent encore d’autres préoccupations tout aussi graves.
Comment en est-on arrivé à cette radicalisation des jeunes dans un milieu où les valeurs sociales et religieuses imposaient à chacun de freiner la moindre velléité de dérapage de quelque enfant qu’elle vienne ? Sans occulter les souffrances des uns ou les espoirs des autres, Aicha Macky a su aborder dans Zinder un phénomène très grave et délicat. Evitant de glisser dans la stigmatisation ou d’offrir à certains l’occasion de justifier leur sombre passé, la réalisatrice a donné à voir et à comprendre une situation préoccupante pour tous, à plus d’un titre. Zinder résonne ainsi comme une sonnette d’alarme, un appel pour que chacun à son niveau assume sa partition afin de prévenir des phénomènes comme celui des «Yan Palais» qui ne sont manifestement pas spontanés.
Des messages qui n’ont pas laissé indifférents ceux qui ont fait le déplacement de Ciné Neerwaya, à en juger par les commentaires et interrogations des uns et des autres qui se demandent bien si ce qu’ils ont vu dans le film documentaire était une réalité qui a pu exister ou s’il s’agissait d’une fiction.
Souley Moutari,
(Onep)