Poursuivant son travail de création à partir d’objets de récupérations, l’artiste plasticien contemporain burkinabè Issouf Diero essaie d’apporter des réponses à la question qu’il (se) pose depuis une vingtaine d’années : « l’art nous aide-t-il à mieux vivre ensemble?». Cette fois-ci, c’est à travers la photo-peinture que l’artiste s’exprime sur une situation d’une brûlante actualité. Car avec la série intitulée « Éducation » Issouf Diero lance un cri de cœur. « Une minute de silence pour nos victimes…Une pensée pour nos enseignants qui sont les garants de l’éducation de nos enfants », écrit-t-il sous un de ses tableaux photographiques.
On reconnait aisément les éléments de cette photo-peinture représentant une classe dans la série Éducation d’Issoud Diero. On distingue des élèves assis en face du maitre avec derrière lui le tableau noir sur lequel quelques écritures sont visibles. « J’ai transformé la photo originale pour m’exprimer sur la situation du Burkina Faso aujourd’hui, avec les déplacés qui fuient l’insécurité liée au terrorisme dans les villages pour se réfugier dans les grandes villes. Dans cette situation, les enseignants deviennent des cibles car les terroristes ne veulent pas que les écoles fonctionnent ; ils veulent que les enseignants se taisent, que les enfants abandonnent les classes », explique Issouf Diero. Pour illustrer le drame, l’artiste plasticien peint les habits de l’enseignant en rouge et sa bouche en noir, signe qu’elle est muselée. Les enfants qui contre leur gré sont privés d’éducation et condamnés ainsi à rester dans « le noir », sont aussi représentés sur cette photo-peinture.
Avec cette œuvre qui résulte d’objet de récupération comme dans ses autres créations, Diero rend hommage aux victimes du terrorisme. Il transmet un message d’appel à la résistance contre la violence, l’obscurantisme et à la résilience. L’artiste dénonce les difficultés que vivent les enseignants, interpelle les uns et les autres sur le sort des enfants dont l’avenir est menacé avec les écoles qui ferment les unes après les autres. C’est la triste réalité que vivent des milliers de personnes au Sahel dans la zone des trois frontières (Burkina Faso ; Niger ; Mali). Au Nigéria la situation est encore plus grave avec les enlèvements d’élèves…
À lire aussi: https://mediaculture.info/vernissage-de-lexposition-collective-re-construire-ensemble/
Connu par son engagement, Issouf Diero, qui crée ses premières toiles et sculptures à la fin des années 1990 à partir de déchets jonchant les rues de son quartier à Bobo Dioulasso, devenant un des ambassadeurs de l’art contemporain avec des matériaux de récupération en Afrique. L’artiste qui s’inscrit dans une démarche écologique, est attentif à son environnement et à l’actualité, comme l’illustre son tableau photographique inspiré des conséquences du terrorisme sur l’éducation.
Souley Moutari(Onep)