« La Culture, centre de gravité du peuple », œuvre du peintre nigérien Saminou Ousmane Bawa

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Le tableau ” La Culture, centre de gravité de tout peuple” de SOB

Esthétique, symbolismes, us, dans ce tableau qui a pour titre “La Culture, centre de gravité de tout peuple”  tout y est. Tout pour en faire une œuvre contemporaine profondément inspirée des cultures du Niger. On parle d’art contemporain pour toutes les œuvres produites après la deuxième Guerre mondiale. Né en occident dans la deuxième moitié du 20e siècle, ce courant d’art qui se caractérise essentiellement par le concassage des règles canoniques de tous les courants qui ont marqué l’histoire de l’art – noblesse des matériaux comme le bois, la toile ou encore la peinture à huile, représentation de la nature, exigence quant à l’esthétique – a fini par conquérir le monde entier avec partout des pratiques qui puisent dans les cultures locales.

Le contemporain dans l’œuvre La Culture, centre de gravité de tout peuple”, c’est d’abord dans la forme, celle du cadre. Un cadre non carré, marquant l’indifférence de l’artiste vis-à-vis de la tradition en matière de cadre. Une indifférence qui frise la désinvolture comme pour marteler haut et fort : « je fais de l’art contemporain ! ». En effet, en peignant son œuvre sur une sorte de croix, Saminou désacralise le carré qui, pendant des siècles, est resté la forme sacré du cadre en peinture, comme le veut l’esprit de l’art de notre temps. Aussi, la croix, c’est le signe de “plus” en mathématique, nous l’avons tous appris à l’école. L’artiste, par cela, revendique plus pour son pays : plus d’alacrité, plus de paix, plus de progrès pour le Niger. Sous un autre angle, le cadre apparait comme une étoile dont le centre mime un épicentre pour les motifs de la composition comme pour dire : « je suis artiste, je suis une star, j’étincèle ». Cette forme en croix ou en étoile du cadre est donc lourde de symbolisme.

Les motifs, c’est-à-dire les traits et dessins qui composent le tableau constituent un autre témoin de l’art contemporain dans l’œuvre de Saminou. Globalement, le tableau est abstrait avec collage de différents symboles vitrines de notre patrimoine culturel. Tout en bas, un balai, qui symbolise la solidarité, l’unité du peuple nigérien : « tsintsia madarmin tchin daya » dit l’adage haoussa. La fierté est l’autre sens du balai au Niger, si l’on fait économie de la salubrité. La fierté d’être Toubou, Haoussa, Touareg, Zarma-Songhay… La fierté d’être Nigérien. Au centre,un van, à l’interprétation multiple. Éminemment culturel, le van, au Niger, c’est avant tout le tri, la sélection ; « séparer le bon grain de l’ivraie ». Ici, Saminou attire notre attention : les Nigériens pour qui la patrie est un vain mot sont l’exception. Au Niger, nous sommes foncièrement patriotes. Le van, dans nos cultures, c’est aussi pour éventer : ou pour aérer en cas de chaleur ou de concentration, ou pour attiser le feu ; le feu de l’éclairage, le feu du repas, celui du barbecue. Le feu du thé, ajouteront les Touaregs. Éventer donc pour raviver le feu de la vie. Plus à gauche, c’est l’accueil qui s’invite dans la composition, matérialisé par une natte, du moins, un bout, un morceau. Assez pour que l’ouverture, la générosité et l’hospitalité figurent sur la liste des thèmes de ce tableau.

Aussi, sur toute sa surface, l’œuvre est parcourue par des ondes. Cette sorte de tourbillon est la métaphore de la force, de l’énergie ; de plus en plus nécessaires aux hommes et aux choses au Niger, pour se mouvoir et faire avancer le pays. Nous sommes trop à la traine. Pour comprendre cela, voyagez un peu, pour ceux qui ne sont jamais sortis du pays. Allez par exemple dans des villes de la sous-région comme Accra au Ghana. Dans le centre-ville de la capitale ghanéenne, vous aurez l’impression que les gens ne marchent pas, ils courent. En fait ce n’est pas une impression, ils courent pour de vrai, ils n’ont pas le temps, « very busy », traduction : « trop occupés ». N’est-ce pas normal alors, que de tels pays aient, par rapport à nous, dans les classements de l’Indice de Développement Humain, I.D.H, des rangs plus enviables ? N’est-ce pas donc normal que nos pays où on marche soient comme condamnés à rester éternellement relégables ? L’artiste n’affirme rien, il s’interroge et interpelle tout le monde : « au Niger, nous avons assez marché, il est temps de courir pour rattraper les autres ».

L’artiste plasticien Saminou Ousmane Bawa

Jeune peintre nigérien originaire de Zinder, Saminou Ousmane Bawa a été apprenti chez l’artiste naïf Seyni Hima à Niamey. Avec un talent qui n’a d’égal que sa passion pour les arts plastiques, celui que ses camarades appelaient SOB à l’école, a d’abord pratiqué la peinture naïve – avec des expositions et des formations qui l’ont amené jusqu’en France – avant de mettre l’art en standby pour une longue carrière d’infographe et illustrateur pour le compte d’O.N.G et organismes internationaux avec lesquels ils signaient des contrats qui se chiffraient en millions. En 2017, Saminou s’inscrit pour une licence à la filière Arts et Culture de l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Ce retour sur les bancs marque également son retour dans la peinture artistique. A travers de courtes résidences à l’espace Arts et Culture de cette filière, à la fac des Lettres, SOB reprend progressivement le pinceau pour des œuvres de facture plus ou moins modestes mais au grand bonheur des étudiants qui, s’arrêtant un instant, de passage, pour le regarder peindre en plein air, ne peuvent s’empêcher d’être émerveillés.

Sa dernière résidence, courant 2020, accouche de deux tableaux abstraits dont “La Culture, centre de gravité du peuple”, inscrivant ainsi le désormais peintre de l’Université dans le style abstrait et donc dans la lignée des grands noms qui ont marqué le mouvement de l’art contemporain ailleurs et sur le continent. Des noms tels que Jackson Pollock (U.S.A), Vassily Kandinsky (France et Russie), ou encore Alhousseini Yayé Touré (Niger). “La Culture, centre de gravité du peuple”, une œuvre à voir ou plutôt à admirer à l’espace Arts et Culture de l’Université Abdou Moumouni de Niamey car, l’admiration, cette œuvre de Saminou la force. Un tableau avec lequel l’artiste signe son retour en force.

HAMIDOU IDRISSA Moussa
Médiateur culturel,
Historien et Critique d’art

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