La musique zarma-songhay chez Oumarou Ganda: un art au service de la communauté

Partager sur facebook
Facebook
Partager sur google
Google+
Partager sur twitter
Twitter
Partager sur linkedin
LinkedIn
Image du film Cock Cock Cock (1977) d’Oumarou Ganda

Acteur dès 1957 dans Moi un Noir de Jean Rouch, producteur et réalisateur nigérien Oumarou Ganda fut un tirailleur. Son film Cabascabo (1968) retrace son parcours quand il avait été mobilisé pour le compte de la France en Indochine. Conservateur de sa tradition, il arrive à interroger sa société à travers les thématiques de ses films tels que : Le Wazzou polygame, premier étalon de Yennega au FESPACO en 1972,  Saitane (1973).

La tradition orale africaine en général et celle nigérienne en particulier se nourrit de plusieurs éléments, entre autres : le proverbe, l’éloge, le chant, la musique. C’est sur ce dernier élément que nous mettons l’accent à partir de quelques films nigériens. En effet, dans ce cinéma, les pionniers comme Moustapha Alassane et Oumarou Ganda ont fait appel très tôt à la musique traditionnelle pour accompagner leurs récits filmiques.  Bien avant, Jean Rouch, leur devancier dans ses films ethnographiques au Niger fait de la musique un personnage à part entier. Les films Initiation à la danse des possédés (1949), Yenendi, les hommes qui font la pluie (1951) l’illustrent bien.

En milieu zarma-songhay, le chant des artistes accompagné d’instruments des musiques du terroir montrent dans les films d’Oumarou Ganda une identité collective ancrée. Un véritable moyen participant à la cohésion sociale dans la gaieté des cœurs et des esprits. Très souvent utilisé pendant les cérémonies (mariage, baptême, consultation des divinités, jouissance personnelle ou nationale, pour information et sensibilisation), le chant mélodieux chez Oumarou Ganda a une portée non seulement festive à travers ses genres (appels ou remerciements aux divinités, éloge du mariage ou de personne, etc.) et de danse (Yéti Yéti, Bitti, etc.), parfois chorégraphique dans les ballets et autres festivals culturels.

Chez les zarma-songhay au Niger, la musique symbolise aussi le contact entre les hommes et les dieux sur des questions de société.  Plusieurs films nigériens, en particulier ceux du cinéaste Oumarou Ganda donnent à voir la pratique de la musique dans toutes ses formes de célébration, il y a plus de 50 ans. Cette musique très ancrée dans la culture se transmet de génération en génération à travers des initiations ou une transmission naturelle à partir de la participation des enfants à l’occasion d’une cérémonie dans la société. Les films Le Wazzou Polygaame (1970) et Cock cock cock (1977) d’Oumarou Ganda sont le fil conducteur, pour permettre de voir la place de la musique en milieu zarma-songhay. En image et en son, le réalisateur montre dans des mises en scène le jeu des chanteurs et des danseurs. Il faut souligner ici, que très souvent les pas de danse et chants reflètent ou valorisent soit un métier traditionnel comme le métier de tisserand ou des faits de la société, parfois comique. La musique est loin d’être considérée comme un accessoire, mais un personnage filmique et rythmique.

Chez Oumarou Ganda, les chants et danses sont des moyens qui permettent d’éduquer la population d’une manière douce sur les enjeux qui la fondent dans sa totalité. Ceci, en vue de contribuer au développement endogène, tout en ayant un souci pour sa préservation et sa promotion.

La musique en milieu zarma-songhay,  véritable  mélodie au service de la communauté


La musique en milieu zarma-songhay  se nourrit des réalités de la société. Les thématiques des chansons racontent des histoires de la contrée. Très souvent les chansons se jouent en équipe d’au moins deux personnes.

Des chanteuses en uniforme et des musiciens, image du film Cock Cock Cock (1977) d’Oumarou Ganda

Sur ces images, se trouvent des musiciens, avec des rôles distincts pour chacun d’eux. Les mains sont d’une grande importance pour bien manipuler l’instrument et créer la mélodie musicale. Chaque instrument de musique a une sonorité qui contribue à l’harmonie musicale. Il faut souligner que, les éléments qui entrent dans la fabrication des instruments de musique sont naturellement biodégradables. Ils proviennent du milieu naturel dans lequel vit la communauté, notamment les arbres ou les animaux. L’âge des artistes varie entre 18 et 70 ans. Dans le jeu des instruments musicaux, se dégage chez chaque artiste une maîtrise parfaite de son outil. Cinq instruments de musiques sont les plus fréquents chez les musiciens. Il y a : Gassou, dondon, kountigui, cessé et gogue.

Artistes jouant les cinq principaux instruments de musique traditionnelle

Dans des gestuelles parfois comiques, les chanteurs et danseurs se donnent à cœur joie dans un mouvement d’ensemble. On note chez les musiciens une liberté vestimentaire, surtout chez les femmes, qui à travers les chants véhiculent des messages pour le renforcement de la cohésion sociale. Le don de soi chez les artistes dans les interprétations, le plus souvent, puisées dans l’oralité du terroir,  en dit long sur la place de la musique dans cette société. La musique n’est pas un accessoire, mais un art folklorique chez les zarma-songhay, un métier qui a une fonction éducative, festive, esthétique et sacrée.

La fonction éducative de la musique se trouve dans la transmission des savoirs faire locaux à travers les chants et danses, aux générations futures. Cette transmission consiste à inviter la population à suivre les prestations des musiciens dans une grande place publique. Une formation de masse, qui n’exclut aucune couche de la société (enfants, adolescents, femmes et hommes). On est peut être tenté de dire que le conte à la belle étoile comme la musique en pleine journée sont des écoles de la vie sociale où puisent les autres savoirs.

Image du film Cock Cock Cock (1977) d’Oumarou Ganda

Les regards vers les artistes, la concentration des participants sur cette image est une preuve patente de la participation effective de la communauté dans la transmission et la préservation de cette musique, jouée par des autochtones, leurs semblables. Ce qui explique parfois dans la communauté zarma-songhay, la force de la parole axée sur la tradition et son ancrage dans la vie quotidienne.

L’image ci-dessous montre les pas de danse dans le film et qui retracent les différentes étapes de l’activité du tisserand. Une manière de rendre hommage à ces hommes, qui protègent le corps de l’homme par les tenues et qui créent des motifs pour la décoration des maisons. Sur l’image, il est aussi intéressant de noter le côté décomplexé des chanteurs et des danseurs, qui déambulent côte à côte et de manière élégante.

Chorégraphie,-image-du-film-Cock-Cock-Cock-(1977)-d’Oumarou-Ganda

La fonction sacrée de la musique dans le cinéma au Niger, remonte bien avant l’indépendance du pays, précisément avec les films de Jean Rouch, tels que : Initiation à la danse des possédés (1949), Yenendi, les hommes qui font la pluie (1951). Des films dans lesquels, on voit l’apport des divinités sur les questions de société. L’art musical est mystique et religieux. Il a une place pas des moindres dans la consultation des divinités pour apporter une solution à une question d’intérêt général.

 Ainsi, dans la communauté zarma-songhay, il n’est pas rare de voir des rituels à l’endroit des dieux, et qui émanent de certains de la société pour demander des aides aux dieux. C’est à travers le rituel que les dieux se prononcent sur la situation d’une personne ou sur l’avenir de la région ou du pays. Pour accéder aux dieux, dans le rituel, la musique à travers ses instruments cités plus haut, joue un rôle prépondérant pour que les dieux puissent répondre aux doléances de cette société. C’est le cas du film Toula ou le génie des eaux (1973) de Moustapha Alassane. La séquence de chez le divin, pour implorer les dieux est une illustration parfaite. Dans cette séquence les chants et danses constituent le moteur du rituel. Un film qui montre le sacrifice de la nièce du roi à la demande des divinités pour ramener la pluie et la bonne récolte suite à une grande sécheresse.

Quant à la fonction festive de la musique en milieu zarma-songhay, elle se manifeste dans les cérémonies de mariage de baptême, de fête national, de festival, d’évènement de réjouissance, etc.

C’est l’occasion pour les habitants de la communauté de mettre les belles parures et tenues propres à cette ethnie pour célébrer l’évènement. La spécificité des évènements festifs en milieu zarma-songhay est que toute personne avec un lien quelconque à l’évènement (mariage et baptême) peut faire partie des musiciens. Plus haut, nous avions souligné que, l’apprentissage des chants et danses s’acquiert de manière participative et sans discrimination. D’où l’aptitude présumé des hommes et des femmes à jouer avec aisance.

Des femmes en uniforme à une cérémonie de mariage jouant avec la calebasse, dans Wazzou-Polygame-(1970)-d’Oumarou-Ganda

Sur cette image, on observe comme très souvent dans les mariages chez les zarma-songhay, les filles qui s’assemblent pour chanter les louanges du mariage dans un rythme mélodique et donner des conseils à la jeune mariée. Elles sont habillées élégamment, sous les yeux bienveillants des plus jeunes filles, qui à leur tour, se trouveront à leur place dans quelques années. Tous les deux films donnent un aperçu de cette communauté à travers la mode vestimentaire, la liberté dans le choix des tenues et la place de la musique dans leur quotidien. Toute cette tradition continue à se pratiquer à nos jours.

                                                                                                                           Youssoufa Halidou Harouna

D'autres articles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Entrez en contact avec nous!