“L’Exilé” d’Oumarou Ganda : Un film qui idéalise la parole donnée

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Scène du film “L’Exilé”

L’Exilé, une fiction dramatique de 78’ (1980), est le dernier film réalisé par Oumarou Ganda avant sa mort, le 1er janvier 1981. Avec des codes de conte et légende, l’illustre cinéaste nigérien, qui fut en 1972 le premier lauréat de l’Etalon d’or de Yennenga, met à l’écran l’administration du pouvoir traditionnel ou le pouvoir du Amirou (le Roi). « C’était à l’époque de l’Afrique vierge, elle vivait avec elle-même sans influence extérieure, elle vénérait des dieux vivants, la parole était sacrée », disait à ses amis, Oumarou Ganda dans L’Exilé, rôle qu’il a joué lui-même.

Le réalisateur fait ressortir dans L’Exilé  le sacrifice que l’on consent pour des enjeux sociétaux ; la tolérance dans la cohabitation des pratiques cultuelles et religieuses garanties par le roi ; la femme amoureuse, etc.

Le récit filmique alimenté par un mélange de tradition, de proverbes, de musiques, de danses, du culte met en exergue un roi juste, soucieux et attentif aux préoccupations  de sa communauté.

 Oumarou Ganda réaffirme à travers ce film sa volonté de porter à l’écran la culture de son milieu comme dans Le Wazzou Polygame (1970) avec les séquences de la dot et de la célébration du mariage de El Hadj ; Saïtane (1973) avec l’offrande de lait dans une calebasse aux dieux du fleuve et même Cock Cock Cock (1977) où dans une chorégraphie les danseurs mettent en scène les pratiques de tissage chez le tisserand. Aussi, le cinéaste confirme sa maitrise des techniques cinématographiques comme les mouvements de la caméra et le flash-back dont il use régulièrement dans ses créations filmiques à l’instar de Cabascabo (1968).

 L’Exilé est un véritable film idéologique sur l’affirmation de soi. Dans le film, Amirou n’hésite pas à faire de sacrifice de sang animal aux dieux sous la supervision du devin lorsque les récoltes sont bonnes au village, mais aussi de faire appel au marabout pour célébrer les mariages de ses filles. Ce vivre ensemble des religions dans l’harmonie est souvent présent dans le cinéma au Niger où on voit les partiques de l’animisme et de l’islam se côtoyer (consultation chez le devin ou le marabout, appel du muezzin dans le film, etc.). C’est  le cas dans les films : Initiation à la danse des possédés (1949), Yennendi, les hommes qui font la pluie (1951) de Jean Rouch et même aujourd’hui dans les films : L’Arbre sans fruit (2015) de Aicha Macky, Zin’narriyâa (2016) de Rahmatou Keïta et La Femme noire du village (2020) ; La fille noire du président (2022) de Djingarey Maiga.

Scène du film l’Exilé

 L’Exilé est aussi un film sur la culture de l’éducation à la responsabilité sociale et la citoyenneté. Il faut souligner qu’il y a ce qu’on appelle aujourd’hui le principe de justice, d’équité, notamment dans les décisions du Amirou, qui dispose que : tout animal qui cause dommage à un cultivateur, son propriétaire doit dédommager la victime. N’est-ce pas là une démarche relative à la solution aux conflits champêtres ?

 L’Exilé, un film idéaliste aujourd’hui ? D’aucuns le pensent : « Les écrits restent, mais les paroles s’envolent », pour ainsi dire que rares sont les personnes qui respectent les promesses de nos jours. Pourtant, cette parole donnée était à l’époque, l’âme de l’être humain. Plusieurs séquences l’illustrent cette préoccupation, comme celle du gendre du roi, Marafa, qui s’est fait décapiter un an après le mariage et l’autre gendre du roi, Sadou, qui pour éviter une calamité des sept prochaines années pour son village décide de se sacrifier. Un moment qui rappelle le film Toula ou le génie  des eaux (1973) de Moustapha Alassane où cette fois-ci, c’est la nièce du roi qui fut sacrifiée pour la cause du royaume.

Rappelons-le, Oumarou Ganda reste toujours le fil conducteur dans les films depuis MOI UN NOIR (1958) de Jean Rouch. Il pose un regard interrogateur sur sa société tout en préservant sa tradition à travers la langue. Dans Saïtane comme dans L’Exilé, dans le générique, il écrit « ABANE » en zarma qui signifie « Fin », en plus de la langue locale parlée par les personnages des films.

Lors de cette 28ème édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), du 25 février au 4 mars 2023, plus de 50 ans après son sacre de 1972 avec le film Le Wazzou polygame, l’effigie d’Oumarou Ganda sera enfin érigée parmi celles des autres lauréats de l’Etalon d’Or de Yennenga, grâce à la Société Nigérienne du Pétrole (SONIDEP). Un hommage sera rendu également au cinéaste par le Festival International du Film Ethnographique du Québec le 11 février 2023. A Niamey, l’ancien Complexe Socio Culturel créé en 1980, avait été rebaptisé pour devenir Centre Culturel Oumarou Ganda (COCG) en 1981.

Youssoufa Halidou Harouna

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